Parlez-nous un peu de votre parcours. Comment êtes-vous devenue designer ?
On peut dire que cela s’est fait progressivement et assez naturellement car je viens d’un domaine proche, la mode. J’ai été styliste maroquinerie pendant une quinzaine d’années pour plusieurs maisons de couture à Paris. Dessiner des sacs, c’était déjà travailler sur l’objet, avec des techniques et des processus similaires à ceux que l’on peut rencontrer dans le design. Au fil du temps, j’ai eu envie de concevoir de manière plus pérenne, et le rythme toujours plus frénétique de la mode ne me convenait plus vraiment. Mais passer de l’un à l’autre m’a pris plusieurs années, il a fallu pas mal de temps pour que le projet mûrisse et finalement me jeter à l’eau !
Quelles sont les influences derrière vos collections ?
J’ai un goût un peu obsessionnel pour les arts décoratifs de la toute fin du XIXe siècle et du début du XXe, de l’Art Nouveau aux modernistes de l’Union des artistes modernes. Le fait d’avoir grandi à Nancy, ville d’Emile Gallé et de Jean Prouvé, n’y est sans doute pas pour rien… La trace de ces influences dans mon travail, c’est peut-être une tension entre l’ornement et l’épure, entre le sensuel et le rationnel, jamais vraiment résolue.
Chaque lampe Bolet est fabriquée à la main entre la France et le Portugal. Quelles sont les différentes étapes de production ?
Je m’occupe de toutes les étapes de conception des Bolet, et pour la production je travaille main dans la main avec de formidables artisans : les pieds sont fabriqués au Portugal, haut-lieu de la céramique où les savoir-faire restent très vivants, et décorés en France. Les abats-jour sont réalisés à Troyes et les pièces métalliques entre le Nord et la région parisienne. Trouver les bons fabricants n’a pas toujours été facile car les standards de qualité étaient élevés, mais cela valait la peine de prendre son temps, car chacun des ateliers fournit un travail d’une précision et d’une délicatesse incroyables.
Racontez-nous un moment du quotidien qui vous apporte du bonheur…
Impossible de ne pas mettre en première position les petites discussions quotidiennes avec ma fille de cinq ans ! Mais juste après j’ajouterai le travail au jardin, devenu essentiel à mon équilibre et qui m’apporte ces trois choses indispensables dans une vie trop numérique : fatigue physique, plaisir esthétique et connexion au monde sensible.
Comment recommandez-vous de positionner vos lampes à la maison?
Je recommanderais très exactement de faire comme on a envie ! Je crois qu’en matière de décoration l’instinct est le meilleur des guides… Que l’on soit méticuleusement perfectionniste ou très bohème, ce qui compte c’est de ne pas se forcer à suivre un modèle. Rien de pire pour moi que les intérieurs qui ne racontent rien des gens qui y vivent.
La ville ou la campagne ?
J’aime profondément Paris et j’y ai vécu plus de 20 ans, j’habite aujourd’hui essentiellement à la campagne, donc je dirais les deux ! La campagne, où il se passe en vérité beaucoup de choses, est aussi un lieu formidable à investir pour les artistes et les créateurs. Les perceptions changent doucement et les perspectives s’ouvrent, je crois que c’est très bien.
Les artistes ou designers qui vous inspirent ?
Difficile de choisir, mais Jean-Michel Frank est très certainement une inspiration majeure, lui qui parvenait justement à hybrider sensibilité et radicalité d’une manière unique. Son parcours personnel comme son oeuvre sont fascinants. En peinture, je reviens toujours vers les virtuoses de la couleur : Redon, Bonnard, Josef Albers pour n’en citer que quelques-uns.
Qu’appréciez-vous le plus dans votre métier ?
Sans doute l’état étrange de méditation dans lequel il est nécessaire de se mettre pour créer : être à la fois intimement tourné vers soi et très perméable au monde.
Que nous réserve l’avenir chez Eo Ipso Studio ?
Idéalement, d’autres objets qui viendront élargir et enrichir l’univers d’Eo Ipso : une autre lampe certainement, mais aussi de la vaisselle, peut-être une gamme textile. Les envies sont nombreuses…
Si vous deviez choisir une lampe préférée…
Je dirais la petite lampe rayée jaune et ivoire, parce qu’elle est à la fois très graphique et facile à utiliser. Je la trouve idéale pour donner de la force et de l’esprit à un ensemble un peu sage, à la manière d’une belle paire de chaussures ou d’un joli sac. On ne se refait pas !